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vendredi 29 mai 2009

Ciel et terre









Un chien bleu
Avec des poils gris.
Un chat gris,
Avec des yeux bleus.

Un mur blanc et chaud.
Le chat dessus. Le chien dessous.
Et un oiseau s’amusant bien
Tout là-haut. Tout là-haut.

Ciel bleu. Terre grise.
Pour les vivants, point de surprise.
Le monde sera toujours ce qu’il est,
Comme le chien et comme le chat,
Comme l’autruche et le chameau,
Comme l’aube et le crépuscule
Et comme le rêve de ce bel été
Qui recule.

Edmond JABÈS (Petites poésies pour jours de pluie et de soleil - 1991)

LE CHAT (Extrait)





Dans ma cervelle se promène,

Ainsi qu’en son appartement,
Un beau chat, fort, doux et charmant.
Quand il miaule, on l’entend à peine

Tant son timbre est tendre et discret ;
Mais que sa voix s’apaise ou gronde,
Elle est toujours riche et profonde.
C’est là son charme et son secret…

Charles Baudelaire

mercredi 27 mai 2009

LE CHAMEAU








Un chameau entra dans un sauna.


Il eut très chaud,
Très chaud,

Trop chaud.

Il sua,

Sua,

Sua.


Une bosse s’usa,

S’usa,

S’usa.


L’autre bosse ne s’usa pas.


Que crois-tu qu’il arriva ?


Le chameau dans le désert
Se retrouva dromadaire.


Pierre CORAN (1979)

lundi 18 mai 2009

La leçon de chose








Venez, poussins

asseyez-vous
je vais vous instruire

sur l’œuf

dont tous
vous venez, poussins


L’œuf est rond
mais pas tout à fait

Il serait plutôt

ovoïde
avec une carapace

Et vous en venez tous, poussins


Il est blanc

pour votre race

crème ou même orangé

avec parfois collé

un brin de paille

mais ça

c’est un supplément


A l’intérieur il y a


Mais pour y voir
faut le casser
et alors d’où - vous, poussins - sortiriez ?


Raymond Queneau
- Le chien à la mandoline - 1965

La mouche qui louche...



Chaque fois que la mouche qui louche
veut se poser au plafond
elle s’y cogne le front et prend du plâtre plein la bouche

Moralité
:
Pauvres mouches qui louchez
posez-vous sur le plancher !

Jean ORIZET (2003)

Le petit grillon


Le petit grillon qui garde la montagne
A bien du mérite croyez-moi

Quand de partout
Coucous et hiboux font
Coucou coucou

Ou ouh ouh ouh ouh

A d’autres coucous
A d’autres hiboux
Qui font tout à coup
ou coucou coucou ou ouh ouh ouh ouh
Toute toute la nuit

Le petit grillon vaillant

A bien du mérite

Et qu’est-ce qui le retient

Dites-le-moi
Messieurs
De se croiser les bras

Et de dormir longtemps

Sa tête
entre les deux yeux.

Paul VINCENSINI (La Poésie et l’enfant 1975)

jeudi 14 mai 2009

La grenouille



Une grenouille
Qui fait surface,

Ça crie, ça grouille

Et ça agace.


Ça se barbouille,

Ça se prélasse,

Ça tripatouille
Dans la mélasse,
Puis ça rêvasse

Et ça coasse
Comme une contrebasse
Qui a la corde lasse.


Mais pour un héron à échasses,

Une grenouille grêle ou grasse

Qui se brochette ou se picore,

Ce n’est qu’un sandwich à ressorts.


Pierre Coran (1989)

Le héron


Un jour, sur ses longs pieds, allait, je ne sais où,
Le héron au long bec emmanché d'un long cou.
Il côtoyait une rivière.
L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours.
Ma commère la carpe y faisait mille tours,
Avec le brochet son compère.
Le héron en eût fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord ; l'oiseau n'avait qu'à prendre.
Mais il crut mieux faire d'attendre
Qu'il eût un peu plus d'appétit ;
Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
Après quelques moments, l'appétit vint : l'oiseau,
S'approchant du bord, vit sur l'eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux,
Et montrait un goût dédaigneux,
Comme le rat du bon Horace.
"Moi, des tanches ! dit-il ; moi, héron, que je fasse
Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?"
La tanche rebutée, il trouva du goujon.
"Du goujon ! c’est bien là le dîner d'un héron !
J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux dieux ne plaise !"
Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu'il ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit ; il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.

Ne soyons pas si difficiles ;
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous aurez à peu près votre compte...


Jean de La Fontaine - Livre VII, 1668

Le petit chat blanc


Un petit chat blanc
qui faisait semblant
d’avoir mal aux dents
disait en miaulant :

« Souris, mon amie
j’ai bien du souci
le docteur m’a dit
tu seras guéri

si entre tes dents
tu mets un moment
délicatement
la queue d’une souris. »

Très obligeamment
souris bonne enfant
s’approcha du chat
Qui se la mangea.

Moralité

Les bons sentiments
ont l’inconvénient
d’amener souvent
de graves ennuis
aux petits enfants
comme-z-aux souris.

Claude ROY - 1974 -